Quoi de plus naturel aujourd’hui que de vous parler de l’un des plus célèbres tableaux de Sandro Boticelli : Le Printemps (en italien Primavera). Cependant, je ne vais pas vous parler du mélange allégorique des différentes figures présentes sur le tableau mais de la jeune femme qui a inspiré Sandro Botticelli au point d’être présente pas moins de trois fois dans cette composition.
Simonetta Cattaneo de Vespucci (née Simonetta Cattaneo de Candia à Gênes en 1453) est la fille de Gaspar Cattaneo della Volta. A l’âge de quinze ans, elle épouse Marco Vespucci. D’une très grande beauté, elle conquit très rapidement le cœur des Florentins. C’est certainement ce qui explique qu’elle servit de modèle à de nombreuses œuvres majeures de son époque :
« Regardez tous les tableaux que Botticelli a peint le long de sa vie : toutes les femmes qui sont venues sous son pinceau, Vénus sortant toute nue et si belle de sa coquille, la vierge à la grenade, les Vertus, les jeunes filles de Jethro, toutes se ressemblent. On dirait des sœurs. Savez-vous pourquoi ? C’est parce qu’elles sont toutes une image rêvée de Simonetta. Il n’a jamais peint qu’elle, ou son souvenir. »
Extrait du « Rendez-vous de Venise » de Philippe Beaussant.
Regardez bien les portraits de Simonetta et comparez-les aux personnages féminins peints par Sandro Botticelli. Même si certains critiques d’art ne partagent pas cet avis (Felipe Fernández-Armesto pense que cette idée est un « romantic nonsense »), il faut avouer que la ressemblance est frappante.
Dans Le Printemps, Simonetta est représentée à trois reprises : elle est l’une des trois Grâces qui dansent, elle incarne le personnage de Flore à l’extrême droite du tableau ainsi que le personnage central.
Après son mariage et son arrivée à Florence, Simonetta est présentée à Laurent et Julien de Médicis. C’est à travers la vie de cour qu’elle est découverte par Sandro Botticelli et d’autres peintres de la Renaissance. En 1475, Julien s’inscrit à un tournoi pendant lequel il porte une bannière représentant Simonetta peinte dans les atours de Pallas Athéna accompagnée de l’inscription « La Sans Pareille » en français. Julien remporta le tournoi et l’affection de la jeune femme mais il est incertain s’ils devinrent amants par la suite. Néanmoins, il est certain qu’ils ont eu des sentiments amoureux très forts l’un envers l’autre.
A partir de cet évènement, elle fut surnommée « la Bella Simonetta » ou « La Sans Pareille » s’attachant la réputation d’être la plus belle femme de Florence et de la Renaissance.
Malheureusement, Simonetta Vespucci mourut un an plus tard dans la nuit du 26 au 27 avril 1476, probablement des suites d’une tuberculose. Elle n’avait que vingt-trois ans. Son mari se remaria peu de temps après. Toute la ville de Florence pleura la mort de la belle et des milliers de personnes suivirent le cercueil jusqu’à son lieu de repos éternel.
Laurent de Médicis (frère de Julien) écrit dans la nuit où il apprit la mort de Simonetta:
« Une jeune femme est morte dans notre ville, inspirant la compassion universelle de tout le peuple florentin. Cela n’est pas étonnant. Parce que, plus qu’aucune autre, elle était ornée d’authentique beauté et de noblesse humaine. Parmi ses nombreuses qualités elle avait dans sa manière d’être une telle douceur et un tel charme que tous ceux qui eurent le privilège de partager avec elle une certaine intimité purent se croire réellement aimés par elle. Les autres femmes de son rang non seulement n’éprouvaient aucune envie à l’égard de l’excellence de sa vertu mais elles exaltaient et louaient sa beauté, sa grâce, à tel point qu’il paraissait incroyable que tant d’hommes puissent l’aimer sans être jaloux et que tant de femmes en fissent l’éloge sans en être envieuses. Et bien que sa vie lui eût valu au plus haut degré l’estime générale pour ses éminentes qualités, la compassion causée par la mort qui la saisissait dans la fleur de l’âge ainsi que la beauté qui émanait d’elle dans la mort, supérieure peut-être à celle de toute créature vivante, laissèrent un sentiment d’ardente tristesse. »
Il ne fait aucun doute que Julien de Médicis eut le cœur brisé à l’annonce de cette mort tragique. Il ne lui survécut pas longtemps car il mourut assassiné lors d’une échauffourée organisée par la famille Pazzi deux ans plus tard, jour pour jour, le 26 avril 1478. Les deux amoureux sont néanmoins éternellement réunis, représentés sous les traits de Vénus et Mars, autre oeuvre célèbre de Botticelli réalisée en 1483.
Quant à Botticelli, il apporta la touche finale à son tableau, La Naissance de Vénus, en 1485 soit neuf ans après la mort de Simonetta.
Certains avancent qu’il en était également tombé amoureux, cherchant à reproduire son souvenir et son idéal de beauté à l’infini après sa mort. Si nous mettons de côté les nombreuses rumeurs concernant son homosexualité, il a en effet demandé à être enterré en compagnie de son modèle dans l’Eglise Ognissanti à Florence. Son souhait fut exaucé à sa mort trente-quatre ans plus tard, en 1510.
Quoi de plus naturel en somme que de célébrer le printemps avec cette histoire d’amour et de fascination rendue éternelle à travers l’art ? Je vous souhaite à tous un magnifique printemps.
Categories: Anecdotes & Peinture
Simonetta qui est par ailleurs la cousine du navigateur Amerigo.
Tout à fait. De par son mariage, elle est devenue la cousine par alliance du navigateur Amerigo Vespucci.
Simonetta ou la it-girl de la Renaissance… 😉
J’adore tout les articles de votre blog! Tout les sujets que vous choisissez me plaisent.
Je suis allée à Berlin pout une semaine et j’ai pensé à votre blog en passant devant GemaldeGalerie qui abrite le portrait de Simonetta.
Votre si gentil compliment me va droit au cœur. Et je vous remercie de suivre les articles de ce blog. J’espère que votre récent voyage à Berlin a été enrichissant. Bonne journée.
J’ai lu votre blog avec grand intérêt. Les articles sur Simoneta Vespucci sont si rares. Moi -même suis facinée par elle et j’ai consacré mon travail de fin d’étude d’italien. Si cela vous intéresse venez y faire un tour et peut-être pourrez-vous m’apporter quelques renseignements complémentaires.
Bonjour,
Je suis actuellement en déplacement et je ne peux malheureusement pas profiter pleinement de votre blog depuis mon portable. Mais j’y retourne dès lundi pour lire vos articles qui me paraissent très pointus sur le sujet.
Votre thèse est-elle en italien? Est-elle disponible au public?
Elle est traduite simultanément dans les deux langues.
oh c’est vraiment bien de pouvoir voir ainsi les détais d’un tableau .. je suis en train de lire un livre sur la vie de ce peintre extraordinaire et si attachant ..
à un moment ,il est question de Simonetta , je suis émerveillée de pouvoir la contempler…c’est très émouvant…merci !
Comme le disait si justement Christiana un peu plus haut, les écrits concernant Simonetta sont assez rares. Au final, elle demeure un personnage très mystérieux et donc fascinant.
[…] cette biographie romancée qui m’a fait découvrir la muse botticellienne (avec cet article de mon amie Aurore). A seulement dix-sept ans, c’est pour être mariée à un cousin […]
[…] L’église Ognissanti (Chiesa di Ognissanti soit l’église de tous les saints en italien) est une église florentine à la façade baroque. Si elle n’est pas l’église la plus renommée ou la plus richement décorée de la ville, elle est connue pour être la dernière demeure du peintre Botticelli et de sa muse Simonetta Vespucci (voir l’article qui leur est consacré) […]